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Compte rendu des fouilles préventive réalisées en 2008 sur le site de Lazer dit la Plâtrière :

Il s’agit d’un habitat déserté des XIIe-XVe siècles, correspondant à l’ancien castrum de Lazer, cité depuis le milieu du XIIe siècle.
Une première fouille, réalisée sous la direction d’Isabelle Ganet (Afan), avait mis au jour une partie du village situé en contrebas des vestiges du château, encore en élévation et inscrit sur la liste supplémentaire des Monuments historiques depuis 1989.
Faisant suite à un diagnostic de l’Inrap, une nouvelle fouille préventive a été prescrite pour dégager l’ensemble du site, le château mis à part, celui-ci n’étant pas menacé directement par la carrière.
Elle a concerné une superficie de près de 5900 m² localisée à l’ouest des structures anciennement dégagées.

Le village occupe le versant sud du massif.
Il est clos par une enceinte, très partiellement conservée, qui englobe également le château situé sur le point culminant du massif, à l’est.
Les bâtiments, mitoyens, ont été édifiés sur un système de terrasses aménagées.
Conservés sur 0,20 à 2 m de hauteur environ, ils étaient comblés essentiellement d’éléments de démolition, les couches d’occupation étant rares et peu épaisses.
La présence de nombreux fragments de plaques de plâtre, épaisses de quelques centimètres et comportant systématiquement des traces de fibres de bois sur l’une des deux faces, permet d’envisager, dans la continuité des résultats antérieurs, que certains bâtiments étaient à étages, séparés par des plafonds de plâtre coulé sur des clayonnages en bois.
Plusieurs aménagements internes ont été repérés : foyers, escaliers, four potager, niches murales, fosses (silos et/ou citernes), banquettes maçonnées, etc, à l’image de ceux dégagés précédemment.
Le matériel archéologique est peu abondant et la fonction de chaque bâtiment ou pièce, au nombre d’une soixantaine, difficile à appréhender.
Les indices de quartiers à vocation artisanale (aires de travail du plâtre et du mortier, fours) et agricole (aires d’ensilage) ont toutefois été enregistrés en différents points du site.

Le gypse triasique, formation géologique majeure du massif de La Plâtrière, a été largement exploité dans les maçonneries, pour les moellons, l’élaboration des mortiers et des enduits de plâtre.
Plusieurs bâtiments, silos ou citernes ont par ailleurs été excavés tout ou partie dans le substrat.
Des traces d’outils, notamment de pic et de polka, ont pu être observées sur les parois taillées dans le gypse.
Sur la question de l’exportation du gypse au-delà du mandement de Lazer, les comptes de châtellenie d’une communauté voisine révèlent que du plâtre en provenance de La Plâtrière – gippum de Giperia – est acheté entre 1367 et 1369 pour la réfection du château d’Upaix, situé à 3,5 km à vol d’oiseau du castrum de Lazer.
Néanmoins, aucun front de taille assez important pour avoir pu permettre l’extraction et l’exploitation du gypse à une plus grande échelle que locale n’a pu être mis en évidence.

Sources et Liens ...

Référence papier :
Mathilde Tissot, « Lazer (Hautes-Alpes). La Plâtrière », Archéologie médiévale, 39 | 2009, 190-191.

Référence électronique :
Mathilde Tissot, « Lazer (Hautes-Alpes). La Plâtrière » [notice archéologique], Archéologie médiévale mis en ligne le 08 mars 2019, consulté le 25 février 2024.
Liens : http://journals.openedition.org/archeomed/19703 - https://doi.org/10.4000/archeomed.19703

Lazer (Hautes-Alpes) La Plâtrière - Tranche 2 :

Le massif de la Plâtrière, culminant à une altitude comprise entre 750 et 800 m NGF, surplombe le village actuel de Lazer ainsi que la ville de Laragne-Montéglin dans les Hautes-Alpes.
Les premières observations archéologiques menées sur ce massif où siégeait le castrum de Lazer ont débuté en 1989 sous la direction d'Isabelle Ganet, et se sont poursuivies entre 1990 et 1993.
L'abandon de l’exploitation de la carrière par la société Plâtres Lambert et la disparition prématurée de la responsable des fouilles a mis un terme à la poursuite des investigations jusqu'à ce que la société Placoplatre relance le projet d'extraction.
En 2006, les résultats du diagnostic réalisé par l'Inrap sous la direction de Patrick Reynaud faisaient état d’un ensemble de vestiges s'étendant sur plus de 25 000 m2 avec des secteurs plus ou moins bien conservés.
Une fouille d'environ 11 000 m2, subdivisée en deux tranches, a alors été prescrite par le SRA Provence-Alpes-Côte d’Azur.
La première tranche, portant sur la partie la plus occidentale du site, a été fouillée en 2008 sous la direction de Mathilde Tissot (Arkémine).
La deuxième tranche a été effectuée entre le 20 juin et le 07 octobre 2016 par la société Éveha.

D'un point de vue historique, le castrum est mentionné dans les sources écrites pour la première fois le 11 mai 1183 (cappellam de Castro Lazari) et à partir du XIIIe siècle.
Il est la possession des évêques de Gap, malgré les pressions du Dauphin qui prend le castrum en 1255, puis entre 1451 et 1452.
Entre-temps, Guilhem Camisard, chef de bande routier, s’empare du château entre 1391 et 1392.
Ces trois temps forts ont certainement contribué à remodeler la trame de l’habitat, comme l’attestent les différentes phases de constructions identifiées lors de cette dernière campagne, ainsi que les nombreux boulets de pierre retrouvés sur le site et dans la construction des bâtiments.
Vers 1500, un témoignage souligne la fin du rayonnement de Lazer et le début d’un long processus de déclin du site.

En 2016, les datations ont confirmé la présence d'une occupation protohistorique, que l’on peut situer entre la fin du premier et le début du second âge du fer.
De même qu’en 2008, la présence récurrente de fragments de céramique en position résiduelle a été identifiée dans le comblement des espaces bâtis ainsi qu’un horizon stratigraphique antérieur à leur création.
Il a livré du mobilier céramique de l'âge du fer et pourrait faire écho au niveau daté en 2008.
Enfin, une structure excavée de type silo, recoupée par des structures médiévales, a livré du mobilier céramique au sein d'un niveau détritique, tegulae et mobilier céramique en position résiduelle témoignaient de la période antique.

L’occupation médiévale la plus représentée, d'après le mobilier archéologique, est sans conteste celle comprise entre la fin du XIIe et le XVe siècles.
Les éléments de datations antérieurs au XIIIe siècle. sont très sporadiques.
Seule la batterie de datations 14C effectuée sur les charbons contenus au sein des mortiers montre clairement l'existence de plusieurs horizons au sein des constructions :
Le plus ancien semble remonter à la seconde moitié du XIIe siècle.
Les vestiges fouillés en 2016 correspondent majoritairement au dernier état du site avant son abandon.
Des indices de datations courent jusqu'au XVIe siècle.
La mise en place d'un système de murette agropastorale et de sentiers au cours des périodes modernes et contemporaines correspond très certainement à la dernière grande anthropisation du site.

Le secteur étant très érodé, l'apport de la stratigraphie demeure extrêmement limité.
La dynamique de comblement des espaces bâtis et des pièces est récurrente :
Occupation, abandon et/ou démolition puis colluvionnement, des comblements viennent parfois s’y ajouter.
Pour cette campagne, mis à part quelques rares exceptions, les espaces bâtis identifiés sont en grande partie aménagés dans le substrat gypseux puis subdivisés en plusieurs pièces.
Les espaces façonnés dans le gypse servent majoritairement de soubassements aux murs mais également de niveaux de sol au sein des pièces.
Ils alternent avec les sols en terre battue très majoritaires.
Les parements internes ou externes des murs sont construits avec des moellons aux dimensions diverses et dotés d’un appareillage composé de gypse ou de marne brun clair et gris bâti, suivant des assises régulières ou irrégulières.
Les joints sont principalement gras et pleins et exclusivement réalisés dans un mortier de gypse comportant au moins cinq teintes.
Seulement une partie des espaces bâtis était dotée d'un étage supérieur.
Sur ce dernier point, nos observations rejoignent celles de nos prédécesseurs.
Pour certaines pièces, la présence de nombreux fragments de plâtre comportant des empreintes de lamelles en bois permet d'envisager l'hypothèse selon laquelle les niveaux supérieurs étaient matérialisés par des plafonds de plâtre coulé sur des clayonnages en bois.
De ces planchers hourdés où les entre-deux des solives étaient remplis de plâtre, il ne demeure que des résidus.
Certaines pièces étaient vraisemblablement enduites au même titre que les parois des cuves maçonnées.
La faible quantité d'éléments de terre cuite architecturale corrélée à l'absence de toiture effondrée n'a pas permis de trancher sur les modalités et les types de couverture utilisés à Lazer.

La campagne de 2016 a également permis de découvrir la première pièce troglodytique du site et de constater que l'ensemble des ouvertures (fenêtres, portes, etc.) avaient été bouchées volontairement.
Implicitement, cet élément suggère que des espaces bâtis ont été sciemment condamnés avant leur abandon définitif :
Un paramètre qui pourrait largement expliquer la faiblesse quantitative du mobilier recensé.
La fouille a également permis de reconsidérer certaines interprétations relatives à la fonction véritable et à la nature du contenant des aménagements quadrangulaires en plâtre et des cuves maçonnées dotées parfois de bouchons encore en place.
Les nombreux vestiges témoignant de la gestion et de la récupération des eaux pluviales, identifiés lors de cette dernière campagne, sont devenus une problématique majeure des recherches.
Enfin, le dernier point important parmi ces résultats concerne la découverte de tout un système d'excavations et d'anfractuosités façonné dans le gypse, matérialisant au sol d'anciens aménagements sur poteaux dont la nature reste à déterminer.
La présence d'un premier état sur poteaux, qui pourrait traduire l’existence d’un village de carriers, est également l’un des enjeux majeurs du site.

Le mobilier recueilli en 2016 varie beaucoup d'un point de vue quantitatif et qualitatif.
Les différentes campagnes de fouilles antérieures ont livré un matériel archéologique similaire :
Céramique, verre, mobilier lithique, quelques monnaies et objets métalliques ainsi que des restes de la consommation alimentaire.
La ou les fonctions des espaces bâtis, qu'ils soient étagés ou non, demeurent très incertaines :
Logement, stockage de denrées, étable, activité artisanale ; ou encore, de façon très schématique et réductrice, ateliers, étables au rez-de-chaussée et pièce de vie à l'étage ?
Seul un travail exhaustif sur l'ensemble du site permettrait de distinguer et de voir à terme si des quartiers artisanaux se distinguent.

Aujourd'hui, au pied de la partie castrale on recense, sur sept niveaux de terrasses, environ 4 ha de surfaces bâties fouillées intra-muros :
Une enceinte et des îlots d’habitations comportant au moins 250 espaces aménagés dont un troglodytique, soit environ un millier de murs (sans compter les cloisons, portes, fenêtres, escaliers, niches, banquettes, placards, foyers, potagers, etc.), des cheminements, des ruelles, des places, des structures artisanales de type fours et forges, des aires de travail et de gâchage du mortier de plâtre, des fronts de taille, une centaine de citernes et de rigoles liées à la récupération des eaux pluviales, phénomène définitivement attesté lors de la campagne de 2016, ainsi que des aires d’ensilages à ciel ouvert comportant plusieurs centaines de silos.
À cela s'ajoutent les centaines d'excavations recensées en 2016 matérialisant vraisemblablement un premier état sur poteaux dont la datation demeure indéterminée.

En l’état, l’analyse et la synthèse des données de la fouille de 2016 sont bien évidemment tributaires d’une reprise complète des données antérieures, de l’avancement de certaines études encore en cours et des nouvelles expertises à mener pour permettre de définir les caractéristiques et les fonctions de ce castrum.

Sources et liens ...

Référence papier
Florian Bonvalot, « Lazer (Hautes-Alpes). La Plâtrière – Tranche 2 », Archéologie médiévale, 48 | 2018, 304-30

Référence électronique
Florian Bonvalot, « Lazer (Hautes-Alpes). La Plâtrière – Tranche 2 » [notice archéologique], Archéologie médiévale [En ligne], 48 | 2018, mis en ligne le 01 mars 2019, consulté le 25 février 2024.
Liens : http://journals.openedition.org/archeomed/17418 - https://doi.org/10.4000/archeomed.17418

En savoir plus sur les Evêques des Gap (PDF)
https://shs.hal.science/halshs-03208473/document


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